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Archive for the ‘Personnel’ Category

Je mets en regard trois textes: la tribune contre le nouvel antisémitisme signée par 300 personnalités françaises dont trois anciens premiers ministres et un ancien président (Le Parisien), la tribune contre l’antisémitisme et le terrorisme signée par 30 imams français (Le Monde) et leur excellent décryptage par Céline Pina (Le Figaro). Les deux tribunes ont au moins le mérite d’ouvrir un véritable dialogue qui ne doit pas en rester là et être poursuivi, encouragé, et suivi de mesures et d’actes.
C’est peu long à lire, c’est vrai, mais ce n’est pas une question qui peut s’expliquer ou se résoudre en un tweet ou en 140 signes.

Manifeste «contre le nouvel antisémitisme»

Ce manifeste, rédigé par Philippe Val et que publie « Le Parisien-Aujourd’hui en France Dimanche », réunit plus de 250 signataires. Parmi eux, un ancien président de la République, trois anciens Premiers ministres, des élus, des intellectuels, des artistes…

Dans un livre à paraître mercredi chez Albin Michel*, quinze intellectuels prennent la plume pour dénoncer le poison de l’antisémitisme. L’ouvrage, préfacé par la philosophe Elisabeth de Fontenay, est écrit avec l’énergie de la colère. Une colère qui prend aujourd’hui la forme d’un manifeste qu’« Aujourd’hui en France Dimanche » a décidé de publier. Elle grandit depuis la mort de Sarah Halimi, Parisienne de 65 ans défenestrée après avoir été rouée de coups le 4 avril 2017. La justice a mis plus de dix mois à reconnaître la circonstance aggravante de l’antisémitisme. Le 23 mars, moins d’un an plus tard, dans le même arrondissement, au cœur de la capitale, l’assassinat de Mireille Knoll, 85 ans, ravivait l’émotion et l’indignation nées de l’affaire Halimi. L’enquête est en cours.

Plus de 250 signataires ont répondu à l’appel rédigé par un collectif, dont Philippe Val, l’ancien directeur de « Charlie Hebdo ». Parmi eux, l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy, trois anciens Premiers ministres, l’ex-maire de Paris Bertrand Delanoë, des élus de tous bords, des représentants des différentes religions, des intellectuels, des artistes…

« Cette terreur se répand »

« L’antisémitisme n’est pas l’affaire des Juifs, c’est l’affaire de tous. Les Français, dont on a mesuré la maturité démocratique après chaque attentat islamiste, vivent un paradoxe tragique. Leur pays est devenu le théâtre d’un antisémitisme meurtrier. Cette terreur se répand, provoquant à la fois la condamnation populaire et un silence médiatique que la récente marche blanche a contribué à rompre.

Lorsqu’un Premier ministre à la tribune de l’Assemblée nationale déclare, sous les applaudissements de tout le pays, que la France sans les Juifs, ce n’est plus la France, il ne s’agit pas d’une belle phrase consolatrice mais d’un avertissement solennel : notre histoire européenne, et singulièrement française, pour des raisons géographiques, religieuses, philosophiques, juridiques, est profondément liée à des cultures diverses parmi lesquelles la pensée juive est déterminante. Dans notre histoire récente, onze Juifs viennent d’être assassinés – et certains torturés – parce que Juifs, par des islamistes radicaux.

« Une épuration ethnique à bas bruit »

Pourtant, la dénonciation de l’islamophobie – qui n’est pas le racisme anti-Arabe à combattre – dissimule les chiffres du ministère de l’Intérieur : les Français juifs ont 25 fois plus de risques d’être agressés que leurs concitoyens musulmans. 10 % des citoyens juifs d’Ile-de-France – c’est-à-dire environ 50 000 personnes – ont récemment été contraints de déménager parce qu’ils n’étaient plus en sécurité dans certaines cités et parce que leurs enfants ne pouvaient plus fréquenter l’école de la République. Il s’agit d’une épuration ethnique à bas bruit au pays d’Émile Zola et de Clemenceau.

Pourquoi ce silence ? Parce que la radicalisation islamiste – et l’antisémitisme qu’il véhicule – est considérée exclusivement par une partie des élites françaises comme l’expression d’une révolte sociale, alors que le même phénomène s’observe dans des sociétés aussi différentes que le Danemark, l’Afghanistan, le Mali ou l’Allemagne… Parce qu’au vieil antisémitisme de l’extrême droite, s’ajoute l’antisémitisme d’une partie de la gauche radicale qui a trouvé dans l’antisionisme l’alibi pour transformer les bourreaux des Juifs en victimes de la société. Parce que la bassesse électorale calcule que le vote musulman est dix fois supérieur au vote juif.

« Nous attendons de l’islam de France qu’il ouvre la voie »

Or à la marche blanche pour Mireille Knoll, il y avait des imams conscients que l’antisémitisme musulman est la plus grande menace qui pèse sur l’islam du XXIème siècle et sur le monde de paix et de liberté dans lequel ils ont choisi de vivre. Ils sont, pour la plupart, sous protection policière, ce qui en dit long sur la terreur que font régner les islamistes sur les musulmans de France.

En conséquence, nous demandons que les versets du Coran appelant au meurtre et au châtiment des juifs, des chrétiens et des incroyants soient frappés d’obsolescence par les autorités théologiques, comme le furent les incohérences de la Bible et l’antisémite catholique aboli par Vatican II, afin qu’aucun croyant ne puisse s’appuyer sur un texte sacré pour commettre un crime.

Nous attendons de l’islam de France qu’il ouvre la voie. Nous demandons que la lutte contre cette faillite démocratique qu’est l’antisémitisme devienne cause nationale avant qu’il ne soit trop tard. Avant que la France ne soit plus la France. »

* « Le Nouvel Antisémitisme en France », Ed. Albin Michel, 213 p., 15 euros.

La liste des signataires Eliette ABECASSIS ; Richard ABITBOL ; Ruth ABOULKHEIR ; André ABOULKHEIR ; Laure ADLER ; Paul AIDANE ; Nader ALAMI ; Waleed AL-HUSSEINI ; Mohamed ALI KACIM ; Michèle ANAHORY ; François ARDEVEN ; Pierre ARDITI ; Janine ATLOUNIAN ; Muriel ATTAL ; Charles AZNAVOUR ; Elisabeth BADINTER ; Patrick BANTMAN ; Laurence BANTMAN ; Adrien BARROT ; Stephane BARSACQ ; Maurice BARTELEMY ; Stéphane BEAUDET ; Patrick BEAUDOUIN ; Annette BECKER ; Florence BEN SADOUN ; Georges BENSOUSSAN ; Gérard BENSUSSAN ; Alain BENTOLILA ; André BERCOFF ; Aurore BERGE ; François BERLEAND ; Françoise BERNARD ; Florence BERTHOUD ; Naem BESTANDJI ; Muriel BEYER ; Jean BIRENBAUM ; Claude BIRMAN ; Joelle BLUMBERG ; Marion BLUMEN ; Lise BOËLL ; Jeannette BOUGRAB ; Céline BOULAY-ESPERONNIER ; Michel BOULEAU ; Laurent BOUVET ; Lise BOUVET ; Fatiha BOYER ; Anne BRANDY ; Caroline BRAY-GOYON ; Zabou BREITMAN ; Claire BRIERE-BLANCHET ; Jean-Paul BRIGHELLI ; Pascal BRUCKNER ; Laura BRUHL ; Daniel BRUN ; Carla BRUNI ; François CAHEN ; Séverine CAMUS ; Jean-Claude CASANOVA ; Bernard CAZENEUVE ; Hassen CHALGHOUMI ; Catherine CHALIER ; Elsa CHAUDUN ; Evelyne CHAUVET ; Ilana CICUREL ; Eric CIOTTI ; Gilles CLAVREUL ; Brigitte-Fanny COHEN ; Marc COHEN ; Jonathan COHEN ; Danielle COHEN-LEVINAS ; Antoine COMPAGNON ; Jacqueline COSTA-LASCOUX ; Brice COUTURIER ; Fabrice D’ALMEIDA ; Eliane DAGANE ; Gérard DARMON ; Marielle DAVID ; William DE CARVALHO ; Elisabeth DE FONTENAY ; Xavier DE GAULLE ; Bernard DE LA VILLARDIERE ; Bertrand DELANOË ; Richard DELL’AGNOLA ; Chantal DELSOL ; Gérard DEPARDIEU ; Guillaume DERVIEUX ; Patrick DESBOIS PERE ; Alexandre DEVECCHIO ; Bouna DIAKHABY ; Marie-Laure DIMON ; Joseph DORE MGR ; Daniel DRAÏ ; Michel DRUCKER ; Richard DUCOUSSET ; Stéphane DUGOWSON ; Martine DUGOWSON ; Frédéric DUMOULIN ; David DUQUESNE ; Frédéric ENCEL ; Raphaël ENTHOVEN ; Francis ESMENARD ; Christian ESTROSI ; Elise FAGJELES ; Roger FAJNZYLBERG ; Luc FERRY ; Alain FINKIELKRAUT ; Pascal FIORETTO ; Marc-Olivier FOGIEL ; Renée FREGOSI ; Michel GAD WOLKOWICZ ; Aliou GASSAMAL ; Lucile GELLMAN ; Jasmine GETZ ; Sammy GHOZLAN ; Jean GLAVANY ; Bernard GOLSE ; Roland GORI ; Marine GOZLAN ; Olivia GREGOIRE ; Mohamed GUERROUMI ; Ghislaine GUERRY ; Olivier GUEZ ; Lydia GUIROUS ; Talila GUTEVILLE ; Patrick GUYOMARD ; Noémie HALIOUA ; Françoise HARDY ; Frédéric HAZIZA ; Jean-Luc HEES ; Serge HEFEZ ; François HEILBRONN ; Marie IBN ARABI-BLONDEL ; Aliza JOBES ; Arthur JOFFE ; Michel JONASZ ; Christine JORDIS ; Dany JUCAUD ; Liliane KANDEL KARIM ; David KHAYAT ; Catherine KINTZLER ; Alain KLEINMANN ; Marc KNOBEL ; Haïm KORSIA ; Julia KRISTEVA ; Rivon KRYGIER ; Estelle KULICH ; Philippe LABRO ; Alexandra LAIGNEL-LAVASTINE ; Lilianne LAMANTOWICZ ; Jack LANG ; Joseph LAROCHE ; Damien LE GUAY ; Daniel LECONTE ; Barbara LEFEBVRE ; Yoann LEMAIRE ; Pierre LESCURE ; Bernard-Henri LEVY ; Maurice LEVY ; Stéphane LEVY ; Michèle LEVY-SOUSSAN ; Marceline LORIDAN-IVENS ; Christine LOTERMAN ; Patrick LOTERMAN ; Enrico MACIAS ; Richard MALKA ; Wladi MAMANE ; Yves MAMOU ; Juliette MEADEL ; Sylvie MEHAUDEL ; Yael MELLUL ; Françoise-Anne MENAGER ; Daniel MESGUICH ; Richard METZ ; Habib MEYER ; Radu MIHAILEANU ; Yann MOIX ; Antoine MOLLERON ; Thibault MOREAU ; Jean-Jacques MOSCOVITZ ; Slim MOUSSA ; Laurent MUNNICH ; Lionel NACCACHE ; Marc NACHT ; Aldo NAOURI ; Xavier NIEL ; Sophie NIZARD ; Anne-Sophie NOGARET ; Karina OBADIA ; Jean-Pierre OBIN ; Edith OCHS ; Christine ORBAN ; Olivier ORBAN ; Marc-Alain OUAKNIN ; Yann PADOVA ; Brigitte PASZT ; Dominique PERBEN ; André PERRIN ; Serge PERROT ; Laurence PICARD ; Céline PINA ; François PINAULT ; Jean-Robert PITTE ; Nidra POLLER ; Richard PRASQUIER ; Michael PRAZAN ; Nadège PULJAK ; Jean-François RABAIN ; Marianne RABAIN-LEBOVICI ; Ruben RABINOVITCH ; Jean-Pierre RAFFARIN ; Christiane RANCE ; Jean-Jacques RASSIAL ; Renaud RENAUD ; Jean-Louis REPELSKI ; Solange REPLESKI ; Ivan RIOUFOL ; Jacob ROGOZINSKI ; Olivier ROLIN ; Marie-Helène ROUTISSEAU ; Catherine ROZENBERG ; Philippe RUSZNIEWSKI ; Boualem SANSAL ; Georges-Elia SARFAT ; Nicolas SARKOZY ; Josiane SBERRO ; Jean-Paul SCARPITTA ; Eric-Emmanuel SCHMITT ; Dominique SCHNAPPER ; André SENIK ; Joann SFAR ; Vadim SHER ; Stéphane SIMON ; Patricia SITRUK ; Jean-François SOLAL ; Paule STEINER ; Jean-Benjamin STORA ; Francis SZPINER ; Anne SZULMAJSTER ; Pierre-André TAGUIEFF ; Maud TANACHNIK ; Jacques TARNERO ; Michel TAUBER ; Daniel TECHNIO ; Julien TROKINER ; Cosimo TRONO ; Monette VACQUIN ; Henri VACQUIN ; Philippe VAL ; Caroline VALENTIN ; Manuel VALLS ; Sibyle VEIL ; Jacques VENDROUX ; Natacha VITRAT ; Sabrina VOLCOT-FREEMAN ; Régine WAINTRATER ; Laurent WAUQUIEZ ; Aude WEILL-RAYNAL ; Simone WIENER ; Annette WIEVIORKA ; Jean-Pierre WINTER ; Jacques WROBEL ; André ZAGURY ; Alain ZAKSAS ; Paul ZAWADZKIv Marc ZERBIB ; Céline ZINS ; Jean-Claude ZYLBERSTEIN.

 

Une trentaine d’imams signent une tribune contre l’antisémitisme et le terrorisme

Deux jours après la publication dans Le Parisien Dimanche d’un texte contre « le nouvel antisémitisme », des imams s’engagent pour dénoncer à leur tour une situation « de plus en plus intenable ».

Une trentaine d’imams signent une tribune contre « le terrorisme et les crimes antisémites qui ont frappé aveuglément notre pays ». « Si nous avons décidé de prendre la parole, c’est parce que la situation, pour nous, devient de plus en plus intenable ; et parce que tout silence de notre part serait désormais complice et donc coupable, même s’il ne s’agissait jusqu’à présent que d’un mutisme de sidération », écrivent-ils dans ce texte publié par Le Monde, deux jours après un manifeste contre le « nouvel antisémitisme », publié dans le Parisien Dimanche.

Ils reconnaissent la responsabilité de « certains imams ».Dans leur texte, ces responsables musulmans, dont le recteur de la grande mosquée de Bordeaux Tareq Oubrou, expriment donc leur « indignation » face au terrorisme et aux attaques antisémites. « Notre indignation est aussi religieuse en tant qu’imams et théologiens qui voyons l’islam tomber dans les mains d’une jeunesse ignorante, perturbée et désœuvrée. Une jeunesse naïve, proie facile pour des idéologues qui exploitent son désarroi ». Ils reconnaissent la responsabilité de certains imams. « Depuis plus de deux décennies, des lectures et des pratiques subversives de l’islam sévissent dans la communauté musulmane, générant une anarchie religieuse, gangrenant toute la société. Une situation cancéreuse à laquelle certains imams malheureusement ont contribué, souvent inconsciemment. Le courage nous oblige à le reconnaître », insistent-ils.

Réponse au manifeste publié dimanche ? Dimanche, dans le Parisien, quelque 300 personnalités ont signé un manifeste « contre le nouvel antisémitisme », dénonçant « une épuration ethnique à bas bruit ». Le texte demande notamment que « les versets du Coran appelant au meurtre et au châtiment des juifs, des chrétiens et des incroyants soient frappés d’obsolescence par les autorités théologiques ». Cette tribune a suscité l’indignation de responsables musulmans. Même si Tareq Oubrou a expliqué lundi que le texte des imams était en préparation avant la publication du manifeste dans le Parisien, certains passages sonnent comme une réponse à ce dernier. Ils appellent ainsi chacun au « discernement ». « Car ces pratiques criminelles revendiquées au nom de l’islam pourraient justement confirmer des clichés bien gravés dans les esprits. Certains y ont déjà vu une occasion attendue pour incriminer toute une religion. Ils n’hésitent plus à avancer en public et dans les médias que c’est le Coran lui-même qui appelle au meurtre », regrettent-ils.

Proposer « leur expertise théologique ». Les signataires proposent « de mettre leurs compétences et leurs expériences au service du pays […] pour aider à parer à tout danger terroriste ». Ils souhaitent notamment que leur « expertise théologique » aide les « différents acteurs qui sont confrontés aux phénomènes de la radicalisation dans les prisons, dans les établissements publics, fermés et ouverts, afin de répondre à des aberrations religieuses par un éclairage théologique lorsque les arguments avancés par ces jeunes sont d’ordre religieux ».

Tribune des 300 contre l’antisémitisme, tribune des 30 imams : le décryptage de Céline Pina

FIGAROVOX/TRIBUNE – Céline Pina réagit suite à la tribune publiée dans Le Monde ce matin par des «imams indignés» ayant affirmé qu’il n’y a pas d’antisémitisme dans l’islam. Selon elle, cette tribune souligne paradoxalement l’embarras des responsables musulmans devant les textes sacrés de leur religion.


Ancienne élue locale, Céline Pina est essayiste et militante. Elle avait dénoncé en 2015 le salon de «la femme musulmane» de Pontoise et a récemment publié Silence Coupable (éd. Kero, 2016). Avec Fatiha Boutjalhat, elle est la fondatrice de Viv(r)e la République, mouvement citoyen laïque et républicain appelant à lutter contre tous les totalitarismes et pour la promotion de l’indispensable universalité de nos valeurs républicaines.


Suite à une tribune signée par 300 personnalités dénonçant la violence d’un nouvel antisémitisme en France, lié au développement de l’islamisme, une trentaine d’imams ont souhaité réagir et se déclarent prêts à se mettre au service de leur pays. Si sur le papier l’initiative est séduisante, à lire le texte de près et à examiner le contexte, on peut ressentir un certain malaise.

Car ce qui fait réagir ces trente hommes, c’est moins l’explosion de l’antisémitisme, que le fait que cette tribune des 300 ose rappeler la haine du juif inscrite dans certains versets du Coran et ose dire qu’il faudrait déjà accepter de se confronter à cette réalité pour espérer changer les choses.

Je comprends que pour un croyant, il soit difficile d’admettre qu’un texte, fut-il sacré, ne détient pas une vérité immanente et absolue. Ainsi, quand on parle du terrorisme islamiste, qui justifie ses massacres au nom de la religion et du Coran, on entend le traditionnel: «cela n’a rien à voir avec l’Islam». Mais on peut retrouver ces mêmes réactions quand on parle du goulag et des dictatures qui ont fleuri à l’Est avec certains membres du PC: «pas le vrai communisme», ou des ravages de l’Inquisition avec certains catholiques convaincus: «un détournement du message chrétien». Il est normal que l’on veuille défendre ce que l’on aime, y compris au détriment du réel, mais le meilleur moyen de changer la donne est rarement de s’aveugler sur les réalités, toujours de les regarder en face pour mieux les combattre.

Force est de constater que ce n’est pas le traditionnel antisémitisme lié à l’extrême droite et à un certain catholicisme qui renaît.

C’est ce que ce texte se refuse à faire. Écrit en réaction à la tribune des 300, le premier enjeu qu’il évacue est pourtant au cœur de cette tribune, c’est celui de l’antisémitisme. En mélangeant terrorisme et antisémitisme, il ignore volontairement la question du «pourquoi» de ce nouvel antisémitisme. En effet, le terrorisme met tout le monde sur un pied d’égalité et permet d’éliminer ce que pointe la tribune: quand 1% de la population française est victime de la moitié des actes racistes, le hasard n’est pas en cause. Il s’agit clairement d’un ciblage. Quand le profil des agresseurs s’homogénéise aussi, le doute n’est plus permis. Persécuter les juifs, c’est affirmer une forme de puissance et de domination. Cela devient identitaire sur certains territoires à travers la mythification du conflit israélo-palestinien. C’est d’ailleurs au sein des manifestations pro-palestiniennes que des «Morts aux juifs» ont été lancés en plein cœur de Paris. Comme dans le même temps, sur l’ensemble de la population française, la communauté juive ne cesse de renforcer sa bonne image, force est de constater que ce n’est pas le traditionnel antisémitisme lié à l’extrême droite et à un certain catholicisme qui renaît, mais bel et bien un nouvel antisémitisme, qui ajoute l’alibi antisioniste aux poncifs archaïques.

Cette existence d’un fort antisémitisme culturel arabo-musulman n’est pas une légende, il est mesuré dans les dernières études comme celle d’Anne Muxel et Olivier Galland par exemple et dénoncé par des sociologues comme Smaïn Lâacher. Mais ce fond de sauce est épaissi par la propagande d’un Islam politique et par l’intégrisme wahhabite: l’explosion de ce nouvel antisémitisme en France n’est pas le fruit du hasard mais le résultat d’un travail religieux et politique sur le terrain, d’un conditionnement à la haine.

Or, ici, mélanger terrorisme et antisémitisme permet non seulement de ne pas regarder en face ses propres responsabilités, en rappelant que la sécurité est l’affaire de tous, mais c’est aussi une manière habile de se victimiser et de se faire absoudre, quand bien même les réseaux de mosquées sont une des bases de la conquête idéologique des islamistes. Cela n’est jamais dit. À lire le texte des imams, on ne se radicalise que sur internet. C’est faux. C’est ainsi que la référence au terrorisme vise, dans ce cadre, à évacuer la question de la provenance de ce nouvel antisémitisme et du terreau religieux et politique dans lequel il pousse. Un terreau que les frères musulmans entretiennent avec une main particulièrement verte. Quand le premier effet de la réponse de ces 30 imams à la tribune des 300 est d’évacuer la question du nouvel antisémitisme, on peut dire que cela fonctionne!

L’objet de ce texte est moins de se positionner sur la question de l’antisémitisme que de protéger le texte coranique.

D’autres phrases peuvent faire bondir: revenant sur les violences qui ont frappé notre pays, ces imams écrivent: «tout silence de notre part serait désormais complice et donc coupable, même s’il ne s’agissait jusqu’à présent que d’un mutisme de sidération». Depuis 2012? Admettons. Après tout en 2012, tout le monde n’avait pas compris. Mais depuis 2015? Cela fait un temps de sidération particulièrement long tout de même. Là-dessus, plaidons la maladresse. Peu importe le temps dévolu à la prise de conscience, il faut savoir faire grâce du passé et n’avoir des exigences que pour l’avenir quand on veut se rassembler. Mais là plusieurs choses entrent en dissonance.

On sent très vite que l’objet de ce texte est moins de se positionner sur la question de l’antisémitisme, très vite effacée, que de protéger le texte coranique. L’idée selon laquelle il y aurait dans le texte même du Coran des appels au meurtre des juifs est niée. Cela serait «d’une violence inouïe» et laisserait entendre que «l’Islam est génétiquement opposé à l’Occident» et que «le musulman ne peut être pacifiste que s’il s’éloigne de la religion». Commençons par remettre un peu de raison là-dedans. Ce qui est d’une violence inouïe, ce sont les meurtres antisémites commis contre des enfants et un enseignant à l’école Ozar Atorah, ceux d’Ilan Halimi, de Sarah Halimi et dernièrement de Mireille Knoll, ce sont les massacres que nous affrontons depuis 2015, c’est le fait que certaines villes en région parisienne voient les Français de confession juive obligés de fuir parce qu’ils sont persécutés (au point que l’on a baptisé ce phénomène l’Alya intérieure), c’est l’impossibilité de scolariser les enfants juifs à l’école de la République sur certains territoires. Là, il se passe en effet des faits d’une violence inouïe.

En revanche, dans la réaction de ces imams, on retrouve ce refus absolu d’accepter la critique et l’interpellation sur le contenu d’un texte. Au point qu’ils en arrivent à écrire des mensonges: la tribune des 300 ne dit jamais que l’islam serait génétiquement opposé à l’Occident ou qu’un bon musulman est quelqu’un qui renierait sa religion, il demande que le contenu du texte sacré puisse être débattu. Car sans débat sur le texte, personne ne peut évoluer dans son rapport au texte.

Si les chrétiens ont changé leur rapport au texte et à leur livre sacré, c’est parce que des débats ont eu lieu. Pour lutter contre l’antisémitisme en son sein, l’Église s’est mobilisée et a pris position clairement. L’argument du contexte ou de la recontextualisation brandi par ces imams pour clore toute discussion avant même de l’entamer n’est pas loin de la foutaise. Le Coran, comme tout texte sacré, n’est pas lu que par des théologiens, beaucoup vont y chercher la justification de leur violence. Comprendre le contexte n’est pas à la portée du premier venu… D’autant que ledit texte, s’il est conçu comme incréé, efface tout contexte. La parole de Dieu est la vérité, pas celle du moment, une vérité immanente, une part d’éternité. Alors même et surtout si à la fin le texte n’est pas changé, il n’y a qu’en acceptant la discussion sur ce point que ces imams montreront réellement que le Coran n’est pas incréé et changeront de fait le rapport au texte. Or leur réaction épidermique montre un refus viscéral de laisser même la question être posée.

À tout prendre, je préfère la simplicité du commandement de l’ancien testament « tu ne tueras point » ou simplement l’idée philosophique qu’une société repose sur l’interdiction du meurtre.

Enfin, il y a au cœur de ce texte écrit par des imams quelque chose qui interroge et inquiète. Le cœur du texte, c’est cette phrase du prophète de l’Islam: «le musulman qui porte atteinte à la vie d’une personne innocente vivant en paix avec les musulmans ne sentira jamais le goût du paradis». Pour ne pas être légitime à assassiner, il faut donc «être innocent» et «vivre en paix avec les musulmans». Déjà la définition de l’innocence ouvre un vaste champ d’interprétation. Est-on une personne innocente si on est une femme libre et indépendante par exemple? Est-on encore innocent si on change de religion ou si on devient athée? La question peut légitimement se poser. Ensuite la périphrase indique que seule l’attitude envers d’autres musulmans est prise en compte. Et les autres croyants ou les non-croyants ne compteraient-ils pas? Et quelle est la définition de «vivre en paix?». Notre choix politique de l’égalité femmes/hommes ne serait pas une provocation qui met à mal cette paix? Et que dire quand des intellectuels se font traiter de blasphémateurs parce qu’ils s’indignent de la recrudescence des actes et des meurtres antisémites? Il arrive souvent, quand les questions posées sont simples, que l’ajout de précisions desserve le propos et restreigne la portée du texte, voire jette la suspicion sur les intentions réelles poursuivies. À tout prendre, je préfère la simplicité du commandement de l’ancien testament «tu ne tueras point» ou simplement l’idée philosophique qu’une société repose sur l’interdiction du meurtre.

Et quand en conclusion, ce qui est proposé est de plus s’appuyer sur la religion pour mieux lutter contre ses dérives, on reste sans voix. Contre l’Islam politique et le fanatisme, on nous propose plus de religion. À se demander si cette injonction n’équivaut pas à vouloir éteindre un feu en jetant du bois mort dedans… Mais après tout, ces hommes sont des imams, de leur point de vue, cela obéit à une certaine logique et leur proposition n’est pas forcément insincère. Mais pour notre nation, il vaudrait mieux que la reconquête des territoires perdus se fasse par la réaffirmation de l’égalité et de la liberté républicaine, plutôt qu’être confiée à un réseau de mosquées dont on peut douter des véritables objectifs. Rappelons-nous que les frères musulmans sont les premiers à avoir investi le marché juteux de la déradicalisation, mais plutôt dans une perspective de réislamisation qui ne disait pas son nom. Rappelons-nous l’expérience Dounia Bouzar, qui en appelait à une déradicalisation basée sur la religion. On se souvient surtout du coût démentiel de ses actions, mais pas de ses résultats: et pour cause…

Enfin, on ne sait guère qui sont ces imams signataires, certains noms comme Iqioussen suscitent la défiance, Tareq Oubrou est lui-même très controversé et parmi les mosquées citées, toutes ne sont pas des modèles à suivre. D’autres aspects du phénomène sont moins rassurants: les réactions outrées des autorités musulmanes de type CFCM, dirigé aujourd’hui par un proche d’Erdogan, le président islamiste de Turquie. Un Erdogan qui a créé une antenne de son parti en France et mis en place des candidats aux dernières élections législatives sur notre territoire, réclamant explicitement la charria entre autres. Dans le fond, la seule chose qui les fait réagir de façon claire et explicite est seulement l’évocation du Coran. Le sang versé et les violences constatées sont mieux supportés. Cela nuit à la crédibilité de l’ensemble.

La tentative de victimisation comme la volonté affirmée, derrière la mise à disposition affichée de ces 30 imams, de susciter le rejet de la tribune des 300, nuit de la même manière à l’adhésion que recherchent ces imams. Il est évident que nous devons lutter ensemble pour affronter la menace islamiste qui démantèle notre société, mais pas avec des dirigeants de mosquées dont la plupart appartiennent au réseau des frères musulmans. Un détail qui n’en est pas un.

Ce texte me rappelle un autre texte, la «déclaration d’intention relative aux droits et obligations des fidèles du culte musulman». Elle fut signée en 2000 par toutes les organisations musulmanes, mais seulement après qu’a été retirée toute mention du droit à changer de religion. Ce qui portait un sacré coup à la liberté de conscience, tout en étant présenté comme la preuve de l’acceptation des lois de la République. Depuis les choses n’ont guère changé: il y a bien trop d’ambiguïté aujourd’hui dans le texte de ces imams et bien trop d’opportunisme dans sa sortie pour que l’on puisse juger cette réponse appropriée, compte tenu de la violence de l’antisémitisme dénoncé. «Encore un effort, Messieurs les imams».

Kippa 2018

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Aujourd’hui 11 Avril je suis à New York, invité par les Nations Unies pour la commémoration de la journée de l’Holocauste. Le Département de l’Education et de l’Information Publique m’a demandé de donner une conférence sur mon roman graphique « Deuxième Génération- Ce que je n’ai pas dit à mon père » (Dargaud) devant 500 lycéens américains.
Le 11 Avril 1945, il y a exactement 73 ans, mon père a été libéré du camp de concentration de Buchenwald par les troupes du Général Patton. Cette concordance historique des dates est plus que symbolique. Elle est la victoire de la vie sur la mort.
Trois jours après sa libération mon père, seul survivant de sa famille, avait 19 ans.
Dans trois jours nous lui fêterons en famille ses 92 ans. Quatre enfants qui lui ont donné 9 petits-enfants qui lui ont donné 14 arrière-petits-enfants.
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Le 3 Septembre 1942 la police allemande organisait la rafle de 718 juifs de Bruxelles, parmi lesquels, mon père Henri Kichka, ses parents et ses soeurs. Mon père sera le seul à revenir après sa libération de Buchenwald par l’armée américaine le 11 Avril 1945. Paris Match Belgique consacre 10 pages à cet événement qui sera commémoré dimanche.
Voyez le lien sur le site du journaliste Michel Bouffioux. Sur deux pages mon père y montre la seule photo de famille existante où tous les Kichka sont réunis, marchant souriant dans le centre ville de Bruxelles en 1938, deux ans avant l’Occupation Nazie.
http://www.michelbouffioux.be/2017/08/il-y-a-75-ans-la-grande-rafle-de-bruxelles.html
http://www.lesoir.be/111577/article/2017-08-30/rafle-de-1942-les-marolles-se-souviennent https://www.rtbf.be/info/regions/bruxelles/detail_bruxelles-commemorations-du-75e-anniversaire-de-la-rafle-des-marolles?id=9694720
https://www.rtbf.be/info/regions/bruxelles/detail_bruxelles-se-souviendra-dimanche-d-une-page-tragique-de-son-histoire?id=9697622

Henri Kichka

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27 février 1974

Aujourd’hui, il y a exactement 43 ans, je faisais mon Alyah!

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Mr. Alain Mathot, bourgmestre de Seraing, ma ville natale, m’a élevé ce vendredi au rang de citoyen d’honneur. A la cérémonie, à part ma famille et des amis avec lesquels j’avais gardé de contact au long des années, j’ai retrouvé des amis d’enfance que je n’avais pas revu depuis 53 ans et 48 ans et qui m’avaient rejoint sur facebook.
Un lien, le discours que j’y ai tenu et quelques photos.

http://www.lameuse.be/1768537/article/2017-01-21/seraing-le-dessinateur-et-caricaturiste-michel-kichka-devient-citoyen-d-honneur

De ma plus tendre enfance à mon adolescence, Seraing était le monde et la rue Molinay le centre du monde.
Les hauts fourneaux, les cheminées, les maisons ouvrières aux briques rouges noircies de suie étaient le décor.
La Meuse était noire sous un ciel gris, parfois c’était le contraire.
Notre jardin long et étroit où poussaient deux cerisiers, de la rhubarbe et des groseilles, était l’Eden.
Les terrils étaient l’Everest. Le bois des Biens Communaux était ma jungle.
Le carrefour des rues Cockerill et Ferrer, le coin de la banuqe, était Times Square.
Le wallon dont j’aimais imiter l’accent était la bande son.
La glace d’Agnoli fraise citron et vanille chocolat était annoncée au son du cor, ma musique préférée en été. J’en ai développé un réflexe pavlovien, quand on sonne le cor je salive.
Le terminus du tram qui me conduisait à l’Athénée était la dernière station avant la ligne d’horizon.
C’est là que le wattman tournait la flèche de son tram pour redescendre vers le bas de la ville. Il profitait de l’occasion pour uriner derrière son tram. C’est ainsi que j’appris q’un tram avait un arrière et un avant.
Le magasin de mes parents, Lucia Habillerie, était le microcosme de la ville. Les maris fumaient leur cigarette pendant que leurs femmes allaient et venaient dans la cabine d’essayage, les jours de paye de Cockerill Ougrée ou du charbonnage Collard.
J’ai vu par deux fois Eddy Merckx remonter le Molinay en tête du peloton les jours de braderie, au cours desquelles j’ai serré deux fois la main du bourgmestre Guy Mattot qui venait poser pour la photo annuelle avec tous les commerçants. Photos qui paraissaient dans le journal Encore un où j’ai publié mes premières BD amateur. Il parait que mes oncles descendaient le Molinay à trois sur la même trotinette.
J’ai fait partie du club de gym la Sérésienne, j’y ai remporté un trophée: une lampe de mineur en porcelaine.
J’ai joué au handball club de Seraing.
Je suis né à la Clinique Merlot, suis allé en première primaire à l’Ecole Morchamps et ai étudié quatre ans à l’Athénée Royale de Seraing. Plutôt trois ans. Car la quatrième année j’ai passé mon diplôme de flipper au café du Terminus.
J’ai publié quelques dessins dans la feuille de l’école En Avant! Quelques anciens de l’école m’ont rejoint sur facebook et je suis parvenu à retrouver Daniel Everard, mon ancien prof de dessin aujourd’hui disparu.
Tous les mercredi matins, je courrais avant la classe chez Bellens pour acheter Pilote et lire les histoires de Gotlib, Astérix, Lucky Luke, Blueberry et le Grand Duduche de Cabu. Je suis allé écouter Léo Ferré au Centre Communal, non loin de la bibliothèque publique où j’étais abonné.
Deux fois par semaine j’allais à Liège, participer aux activités du mouvement de jeunesse juive socialiste, la Jeune Garde. C’est par le mouvement que j’ai découvert Israel où je vis depuis 43 ans. La jeunesse était bel et bien en mouvement.
Seraing dans l’entre-deux-guerres fut l’Eldorado de mes grands-parents maternels qui avaient fui l’antisémitisme et de la misère de la Pologne. Ils ont prospéré dans le Seraing d’avant l’Occupation, d’avant la Shoah. Dans leur grand magasin, le Finalux, se croisaient prolétariat et bourgeoisie. Ils ont échappé à la botte nazie en se réfugiant en Suisse et sont revenus à Seraing après la libération. Mes oncles et tante ont tous grandi ici, des enfants du pays d’origine juive polonaise. La famille de mon père qui vivait à Bruxelles n’a pas eu cette chance. Mon père est le seul à a voir survécu à l’enfer concentrationnaire.
Né en 1954 je suis un produit du baby boum, de la construction de l’Europe, de la prospérité de la Wallonie d’avant Mittal.
Et qui dit Wallonie dit aussi francophonie. Le français est aussi ma patrie, ma culture de base, avec une couleur locale faite de belgicismes que ma femme française a mis quelque temps à assimiler. Entre les loques et les serpillères, les maquées fraîches et les fromages blancs, les septantes et les soixante-dix, sans parler des nonantes, les chiques sûres et les bonbons acidulés, il nous a fallu quelques malentendus pour nous mettre au diapason. D’ailleurs même le logiciel sur lequel je tape ce texte m’a souligné maquée en rouge!
En février 1974 j’ai quitté ma ville natale pour Jérusalem. Pour toujours. Pour de bon comme on dit ici. Sans claquer la porte, pour suivre ma destinée, retrouver mes racines. J’ai gardé une grande tendresse et un attachement profond pour Seraing et la Belgique.

En Israel dans mon CV, j’ai écrit que je suis de Liège, un demi mensonge, pensant qu’il y avait plus de chances que les israéliens aient entendu parler de Standard Liège que du F.C.Seraing. Mais depuis les frères Dardenne les choses ont sûrement changé.
Le Seraing que j’ai connu était une ville rouge, socialiste, comme l’était l’Israel des années 70. Le pays a beaucoup changé. Moi pas.
Quand on me parle du conflit israélo-palestinien qui n’a pas encore trouvé d’issue, je pense au conflit wallon-flamand qui est grosso modo au même point mort depuis que j’ai quitté la Belgique.
Quand j’ai créé mon roman graphique « Deuxième Génération » j’ai revisité mes souvenirs, album de photos et Google à l’appui, laissant libre court à ma mémoire visuelle et à mon imagination. Je me suis remémoré tous les magasins de la rue Molinay, tous les visages, tous les noms: Rychter, Owiezka, Narcys, Kellens, etc. Nous habitions à côté de la boulangerie Kellens. J’adorais regarder travailler Christian entre le pétrin et les fourneaux, les gaufres et les cacafounias. Encore un mot qui a été souligné en rouge. Cigarette au bec, pas rasé, blanc de farine, il me donnait les chutes des gaufres au gros sucre. L’odeur du pain chaud est un parfum qu’on n’oublie jamais! Marie toujours souriante derrière son comptoir me filait des bonbons en cachette et n’a jamais révélé à ma mère qu’une partie de mon argent de poche passait chez elle en sucreries et autres gâteries. Il y avait aussi Jean, discret et souriant, plongé dans le Mahabarata en sanscrit dans le texte. Il avait son besoin d’Orient. Pour ma part, je me suis contenté du Moyen-Orient.

Etre accompagné à Seraing par une équipe de cinéma polonaise est très touchant. C’est une énorme boucle qui relie sur 90 ans la Pologne, la Belgique, Seraing, Israel, Jérusalem et Cracovie, avec mon père comme témoin vivant et présent, avec ma soeur Irène, avec ma famille, mes amis d’avant et d’aujourd’hui.

Aujourd’hui, ici en ce lieu, pour cette cérémonie, avec vous tous autour de moi, je me sens en famille. Les amis sont les mêmes, la famille aussi bien que réduite, et le bourgmestre est toujours Mathot. Comme si rien n’avait changé. Comme si le temps s’était figé. Mais il ne faut pas s’y tromper. Tout a changé! Tout, sauf le passé. Et son écho dans notre présent.

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Vendredi soir s’est ouverte au Musée Tomi Ungerer à Strasbourg, l’exposition que lui offre la ville dans un emballage cadeau pour ses 85 ans. Quatre-vints cinq dessinateurs et dessinatrices ont créé une oeuvre en hommage au Grand Monsieur de l’Illustration, un des pionniers de l’illustration moderne, un des auteurs les plus lus, des plus influents et les plus traduits de la littérature enfantine, un électron libre qui a payé de 40 années de Liste Noire aux Etats Unis ses positions radicales contre la guerre du Vietnam qu’il exprimait alors dans des dessins politiques aussi violents que justes, un poète amer et tendre, un conteur intarissable et atypique, un homme attachant et hyper doué, un pacifiste acharné, un homme de la réconciliation franco-allemande, un alsacien bi-culturel et bilingue, un fervent de l’Europe, un homme du Monde. Tomi était présent à sa fête, vêtu de noir, chapeau noir et canne noire, sourire aussi large qu’ému, s’excusant presque d’être là alors que tant d’autres grands artistes et de grands Maîtres, ne sont pas gratifiés de cet honneur qui lui tombe dessus!
Pour moi, qui ai découvert son travail et en suis devenu un inconditionnel en 1974 alors que j’étudiais le graphisme à l’Académie Bezalel de Jérusalem, ce fut une énorme boucle que je bouclais. Un moment de bonheur indicible. Cette première rencontre a été pour moi un moment de pur bonheur et je suis reconnaissant aux organisateurs et aux deux commissaires de l’exposition, Thérèse Willer et François Vié, de m’avoir fait participer à cette fête, fête du dessin, fête de la ligne, du trait, de la couleur, de l’idée qui est une ampoule au-dessus de la tête, du crayon, de la plume et du pinceau, fête des mots et des jeux de mots.
Tomi dit de son Alsace natale: « l’Alsace est comme les toilettes. Toujours occupée! »

Voici la couverture du superbe catalogue, la double page avec mon dessin et une photo de Mattotti et moi autour de Tomi.
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Merveilleuse chanson de Yael Dekelbaum, chanteuse israélienne engagée et qui a participé à la Marche de l’Espoir de Femmes en octobre dernier.
Regardez, écoutez et partagez!
https://www.youtube.com/watch?v=YyFM-pWdqrY
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Bataclan

Paris, le 15 septembre 2016.
De la fenêtre du taxi, je me rends soudain compte que je suis devant le Bataclan.
Le coup au coeur que je ressens est tel que j’en suis sans souffle.
Instinctivement je sors mon iPhone.
Saisir un cliché pour être sûr que mes yeux ont bien vu.
Pour être sûr que je suis bien à l’endroit où la terreur aveugle s’est déchaînée il y a dix mois dans un bain de sang innommable.
Le taxi hybride dans lequel je suis feutré passe devant nonchalamment, sans faire de bruit.
Aujourd’hui je regarde cette photo pour  la première fois.
Je suis à Jérusalem.
Un doux soleil d’automne caresse ma ville.
Il y a quelques jours la première neige tombait sur Paris.
J’écoute en fond « Like a bird on a wire » de Léonard Cohen.
Sa voix mélancolique et grave est de circonstance.
Demain c’est celle de Sting qui résonnera comme un cri de vie au Bataclan.
bataclan

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Parmi les oraisons prononcées du haut du Mont Herzl à Jérusalem, toutes émouvantes et sincères, j’en retiens deux qui m’ont particulièrement touché.
D’abord les paroles aimantes de sa fille Tzvia qui distingue deux Peres, le public et le privé. C’est le papa Peres en pantoufles à la maison (quand il y était!) qu’elle a choisi de nous faire partager. Un Peres que seule sa famille connaissait, et elle l’a fait avec tendresse et humour, une tâche difficile dans une journée de deuil à la fois national et international.
Je retiens aussi les paroles d’Obama, un véritable discours historique, à quelques semaines de la fin de son second mandat, où il a donné profondeur et perspective à l’histoire du sionisme, d’Israel, de Peres et du conflit. Et ce en présence de Mahmoud Abbas, le seul président de tout le monde arabe à être venu à Jérusalem, capitale d’Israel, au prix de critiques virulentes. Les députés arabes de la Knesset ont boycotté la cérémonie. La présence d’Abbas est une façon de dire que même si les gouvernements se regardent en chien de fusil, même si le processus de paix bat interminablement de l’aile, même si Abbas et Netanyahou n’arriveront probablement pas à s’entendre de leur vivant, même si un des prophètes de la paix vient de disparaître, l’espoir de paix, lui, n’est pas mort.
Un ennemi d’Israel n’aurait pas honoré les funérailles de sa présence. Abbas est venu en partenaire.
La presse arabe publie des caricatures contre Abbas, l’une d’elles le montre en uniforme de Tsahal priant devant le Mur des Lamentations. Je ne suis pas encore parvenu à mettre la main dessus.
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AFP/Le Monde

 

 

 

 

 

 

 

 

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Chalom en hébreu c’est Bonjour mais aussi Adieu. La traduction de Chalom est Paix. Dire Chalom Shimon Peres, c’est lui rendre un double hommage, lui dire Adieu et le remercier d’avoir voué sa vie à la Paix, à la rêver, à l’imaginer, à la promouvoir et à essayer de la construire. Peres est le symbole de l’optimisme envers et contre tout, envers et contre tous. Ne jamais perdre espoir, ne jamais baisser les bras, ne jamais céder au défaitisme, ne jamais se contenter de ce qu’offre le temps présent, vivre en avance sur son temps, voir à long terme, penser aux générations à venir, à l’avenir en prenant le passé comme passé et le futur comme projet.
Il méritait de voir la paix de son vivant mais considérait qu’il avait quand même vu la paix avec l’Egypte et avec la Jordanie. La paix avec les Palestiniens étant encore à venir.
Il y a 13 ans, pour l’anniversaire de ses 80 ans, son cabinet m’avait commandé sa caricature entouré des personnalités qu’il affectionnait particulièrement. Dans la liste figuraient Théodore Herzl, David Ben Gourion, Berel Katznelson, Mochè Dayan, Mahatma Gandhi, Martin Luther King Jr, Léon Tolstoi, De Gaulle, Barbara Streisand et la Princesse Diana. Je le lui ai offert lors d’une grande fête en présence de Bill Clinton et de Mikhail Gorbatchev.
Quelques jours plus tard je recevais un mot de remerciement écrit de sa main.
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