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Posts Tagged ‘Thédore Herzl à Bâle il y a 120 ans’

Le 29 Août 1897, il y a exactement 120 ans, Théodore Herzl convoquait à Bâle le premier congrès sioniste mondial. Explications dans cet article de Pierre Haski paru dans Libération il y a quelques années.
Je considère qu’Herzl a été un visionnaire à qui l’Histoire et la Shoah ont donné raison. Le projet révolutionnaire d’Herzl se soldera par un succès total le jour où Israel vivra en paix avec tous ses voisins.

Voici l’article:

  • 1897: la genèse d’un futur «Etat juif». Theodor Herzl lançait les bases de ce qui apparaissait une utopie.

Dans son journal intime, Theodor Herzl a écrit: «A Bâle, j’ai créé l’Etat juif. Si je disais cela aujourd’hui publiquement, tout le monde se moquerait de moi. Dans cinq ans peut-être, dans cinquante sûrement, tout le monde acquiescera»… Nous sommes en août 1897: cinquante ans et … huit mois plus tard, en mai 1948, David Ben Gourion proclame la naissance d’Israël. L’objectif de Herzl ­ mort en 1904 ­ est atteint: l’Etat juif est né, mais dans des conditions qui ne relèvent pas réellement du rêve des premiers sionistes, et qui ont conduit à l’un des plus inextricables casse-tête historico-politiques de la planète, avec son cortège de guerres et d’injustices.

Il y a un siècle, pourtant, le 29 août 1897, s’ouvrait au casino de Bâle, dans la ferveur générale, le premier congrès du Mouvement sioniste, initié par Theodor Herzl, et dont l’objectif était de créer «un foyer pour le peuple juif», «destiné aux juifs qui ne peuvent ni ne veulent s’assimiler». Le mot «Etat» était soigneusement évité, afin de ne pas provoquer trop vite les puissances de l’époque, mais c’est bien de cela qu’il s’agissait: l’année précédente, Herzl avait publié à Vienne l’Etat juif, essai de solution moderne de la question juive, «le véritable manifeste du sionisme politique et l’acte de naissance politique de Theodore Herzl», selon la formule du chercheur Alain Dieckhoff.

Herzl est assurément l’homme-orchestre de ce congrès. Ce journaliste autrichien était correspondant à Paris du grand quotidien autrichien Neue Freie Presse lorsqu’éclata l’«affaire Dreyfus», dans un pays dont la révolution de 1789 avait pourtant émancipé les juifs. Profondément affecté par l’antisémitisme dans les sociétés européennes les plus avancées, il se convertit à l’idée, alors utopique, d’un foyer national pour les juifs. Il y consacra le reste de ses jours et de son énergie, se heurtant à la fois au profond scepticisme de la majorité des juifs européens en quête d’intégration, et aux jeux ambigus des grandes puissances.

A Bâle, non sans mal, Herzl parvient à réunir des représentants de toute l’Europe et même d’Algérie. Environ 200 délégués, élégamment vêtus comme l’avait exigé Herzl, déjà conscient de la nécessité de soigner l’«image», en habit, cravate blanche et haut-de-forme. Ils se retrouvent ensemble pour la première fois, dans une grande salle décorée d’un drapeau bleu et blanc, les couleurs du châle de prière juif, au centre duquel trône l’étoile de David. Le plus gros «bataillon» vient de la Russie tsariste, où les idées sionistes avaient précédé l’apparition d’Herzl, et, à 90%, les délégués sont des hommes, avocats, médecins, journalistes…

Aux yeux de ces délégués, Theodore Herzl est le «roi», un «messie» laïque à la barbe noire qui conduirait les juifs vers la «Terre promise». Un participant raconte la clôture de la réunion: «Le congrès était debout, les correspondants montaient sur les tables, l’excitation montait dans le public du balcon. Le propos n’était pas d’acclamer mais de soulager des coeurs pleins d’émotion (…). D’un bout à l’autre de la salle montaient les cris de « l’an prochain à Jérusalem. La scène se poursuivit pendant une heure»… Le congrès évite tous les écueils, et notamment celui d’élargir le schisme avec les religieux, pour qui l’Etat juif ne doit venir que du messie envoyé par Dieu, pas celui que se choisissent les hommes.

Incontestablement, le congrès de Bâle «constitua une étape capitale de l’histoire juive moderne», note Walter Laqueur dans son Histoire du sionisme (Gallimard, 1973). «Le premier congrès sioniste atteignit exactement le but que Herzl lui avait fixé: rouvrir le débat public sur le sionisme. Les journaux du monde entier, juifs et non juifs, rendirent compte du congrès et spéculèrent sur sa signification.» Herzl, élu chef du Mouvement, se voyait investi d’une mission, tant auprès des juifs réticents à émigrer en Palestine que auprès des chancelleries, méfiantes devant ce mouvement de libération nationale virtuel.

Les décennies suivantes furent marquées par des débats acharnés, des oppositions parfois violentes entre tendances ou personnalités. Marquées, aussi, par la tragédie de l’Holocauste. Un siècle après Bâle, les héritiers du sionisme ont certes réalisé et dépassé le programme du congrès. Mais au prix d’un conflit historique avec un autre nationalisme, pour le contrôle de la même terre. «Une terre sans peuple pour un peuple sans terre», avaient coutume de résumer les premiers sionistes: depuis, on a découvert qu’un autre peuple vivait sur cette terre et refusait de s’en laisser déposséder. Une ombre de taille sur le rêve de Herzl, qui ne disparaîtra que lorsqu’Israël vivra réellement en paix avec ses voisins palestiniens.

Pierre Haski
HERZL

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