Sempé vient de quitter ce monde. Un monde qu’il a inlassablement dessiné pendant six décennies avec sa tendre amertume, sa mélancolie assumée et sa fausse naïveté. Il a couché le petit monde qui l’entourait sur le divan de papier de son atelier parisien, l’a caressé de son pinceau virtuose, l’a mis à nu avec pudeur. Chez Sempé les moments les plus insignifiants du quotidien sont de la pure poésie. Tous ses petits personnages sont des Sempé par procuration, leur regard sur la vie est le sien.
Il ne se contentait pas d’observer le monde. Il le scannnait de son regard clair et pénétrant, le dessinait
avec un certain recul. C’était sa façon de s’en protéger. Tous ses dessins forment l’immense fresque de nos vies, de nos rêves, de nos frustrations, de nos petits moments de bonheur, de nos petites réussites, de nos petits ratés, de nos passions, de nos complexes.
Son style graphique est unique. Minimaliste, délicat, élégant, sensible, frais, vibrant. Le style Sempé a quelque chose de très français dans la liberté de son approche, un style propre à toute une génération d’illustrateurs parmi lesquels André François, Chaval, Bosc, Ungerer, Folon, pour ne citer qu’eux. Le seul illustrateur américain que fasse partie de cette belle famille était l’immense Saul Steinberg. Ils sont les représentants de la ligne au service de l’idée. Une façon de faire qui n’a pas fait école aux Etats Unis par exemple, où le formalisme académique et la maîtrise technique ont trop pesé sur le métier. Ce n’est pas qu’une question de goût, et j’exprime ici le mien, mais une question de mentalité, d’esprit, de philosophie.
J’ai découvert Sempé quand j’étais gosse et l’ai suivi depuis fidèlement. Aujourd’hui on dirait que je suis un follower! Je suis un admirateur inconditionnel, je plaide coupable! En terminale j’ai reçu un prix spécial pour le journal que j’avais créé dans mon lycée: un album de Sempé dont je ne me suis jamais séparé. J’ai relaté cet épisode dans mon livre « Deuxième Génération ».
Sempé est la preuve irréfutable qu’un petit crayon d’écolier est une baguette magique entre ses mains.
Il part en laissant une empreinte indélébile dans le monde de l’illustration et de l’humour et dans mon coeur.

Je partage entièrement cet éloge sensible et humain
Merci beaucoup
Je trouve très touchant, Michel, ton hommage à Monsieur Sempé.
Merci Guy, ta réaction me touche beaucoup. Il va me manquer ce Sempé mais heureusement j’ai une étagère entière remplie de ses recueils. Rien ne va plus, La grande panique, Sauve qui peut, SaintTropez, Le petit Nicolas, Vacances, Face à face, Vaguement compétitif, Peu de Paris, Catherine Certitude, etc,etc. A part ça comment vas-tu Guy?