Milton Glaser, le plus grand graphiste du XX ème siècle, à mon humble avis, s’est éteint le mois dernier, le jour de ses 91 ans. J’écris cet article pour les générations qui ont connu son oeuvre et pour celles qui n’ont pas eu cette chance.
Glaser a redéfini le rôle du graphiste dans la société, il l’a ouvert et l’a étendu au-delà de ses limites. Plus qu’un métier, c’était pour lui un mode de vie. C’était la vie elle-même.
La presse mondiale lui a rendu un bel hommage. mettant souvent l’accent sur son logo mondialement célèbre « I love NY » avec un coeur rouge. Il faut d’abord reconnaître qu’en dessinant le coeur à la place du verbe « aimer » il inventa en quelque sorte ce qui est devenu aujourd’hui le langage international des « émojis » que nous avons tous, bon gré mal gré, adopté.
Glaser réunissait en lui les qualités d’un designer visionnaire, d’un typographe hors pair et d’un illustrateur exceptionnel. Ces trois pôles de la communication visuelle réunis en une seule personne, ont fait de lui de son vivant, le graphiste le plus innovant, le plus influent et le plus admiré. Il fut l’école d’un seul homme. Un Maestro.
Il excellait comme affichiste à une époque où le poster était le support dominant. Des années 60 aux années 2000 l’espace urbain était un foisonnement de messages visuels sur grands formats. Glaser avait choisi les arts et la culture comme domaines de prédilections. A moins que ce soit ces domaines qui l’aient choisi! Dans son travail de conception cohabitaient en harmonie, formes, couleurs, illustrations, symboles, références au monde de l’art, jeux de mots, humour, originalité, inventivité et magie. Ses affiches communiquaient tout en ajoutant beauté et poésie partout où elles étaient placardées. Puissance et finesse, la griffe Glaser se reconnaissait à travers une variété de styles et d’approches. Le monde entamait son processus de globalisation culturelle et l’influence de Milton Glaser dépassa rapidement les limites de New York pour atteindre Paris, Tokyo, Londres et Berlin.
Dans notre ère digitale actuelle les grandes affiches ont perdu du terrain. Nos écrans, du smartphone à la tablette en passant par notre ordinateur de table, proposent des formats qui vont de la carte postale à l’A4 ou à l’A3. On surfe, on zappe, on fait défiler les pages d’un simple glissement de l’index. On est envahi d’images dont le temps d’exposition est réduit à leur plus simple expression. Nous ne sommes plus habités par les images. Elles sont comme un bruit de fond visuel continu.
Les grandes affiches avaient un impact énorme sur la rétine, sur notre capacité de les décrypter, de les intégrer. Elles avaient une longévité sur les murs de nos villes, de nos institutions, de nos transport en commun. Toutes les affiches de Glaser marquaient les esprits, engendraient une réflexion, suscitaient une émotion, offraient une surprise, procuraient une jouissance esthétique. Elles ont invité le public à aller voir un spectacle, visiter une exposition, assister à un concert, découvrir un livre, être sensiblisé à une cause humanitaire.
Au début des années 80 quand j’étais jeune prof à Bezalel, l’Académie des Beaux-Arts de Jérusalem, notre département de Graphic design a invité Milton Glaser à donner un Master Class aux étudiants et j’ai eu le privilège de faire sa connaissance, de tomber sous le charme de son charisme et son humour juif new yorkais.
En revoyant ses affiches et ses illustrations, une évidence s’impose avec force. Elles n’ont rien perdu de leur puissance évocatrice, de leur envolée artistique, de leur efficacité, de leur pertinence et de leur originalité. Elles ont traversé les décennies avec une incroyable grâce, n’ont pas pris une ride, n’ont pas accroché un grain de poussière. Elles sont devenues des grands classiques de l’histoire mondiale du graphisme. C’est là, au Panthéon des grands créateurs, qu’il s’inscrit. Et de préférence dans la police de caractère qui porte son nom: Glaser!
Voyez ce florilège sans commentaire d’affiches et de designs.
Adieu à Milton Glaser
07/13/2020 par Michel Kichka
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