L’assassinat raciste de George Floyd et les vagues de manifestations qui se sont succédées dans le monde, m’ont donné envie de vous raconter l’histoire d’un tableau que le célèbre peintre américain Norman Rockwell réalisa en 1964 pour le magazine américain Look.
Les lois de ségrégation raciale sont en vigueur aux Etas-Unis jusqu’en 1960, année où John Kennedy décide de les supprimer par un texte de loi mis en vigueur, après son assassinat en 1963, par son successeur Lindon Johnson. L’image emblématique de ce changement radical est une photo devenue célèbre de Fred Lyon qui capte une jeune élève noire se rendant dans une école « de blancs », entourée de trois US Marshalls chargés de sa protection rapprochée. Prix que le gouvernement est prêt à payer pour faire respecter cette loi qui passe mal dans des états du Sud. La petite fille s’appelle Roby Bridges. La photo fait le tour du monde et devient rapidement historique.
L’artiste Norman Rockwell, célèbre pour ses superbes couvertures hebdomadaires du Saturday Evening Post où il dépeint la vie américaine durant cinq décennies, s’empare du sujet en 1964. Lui qui ne commentait presque jamais la vie politique dans ses oeuvres, dessinait le quotidien des petites gens, les fêtes qui égrainent le calendrier, la vie de famille, l’Amérique profonde plutôt que celle des grandes villes, décide de prendre position de façon claire, d’annoncer la couleur dirais-je pour un peintre, et décide de célébrer l’égalité des droits par un superbe tableau publié sur une double page de Look. Il s’inspire librement de la photo de Lyon pour créer une toile où une petite fille noire se rend à l’école entourées de quatre US Marshalls.
La violence des racistes est symbolisée dans son tableau par une tomate pourrie lancée vers elle et éclatée sur le mur où elle a dégouliné. Détail plus que significatif qui peut être interprété comme le sang des afro-américains versé par les racistes pendant deux siècles et demi d’esclavage. Le haut ducorps des US Marshalls est coupé afin que focaliser l’attention sur leur costume, leur brassard, leur insigne, leurs poings serrées, leurs chaussures noires bien cirées et leur démarche assurée. Une perle de composition, de réflexion et de travail.
Rockwell a choisi comme modèle Lynda Gunn, une petite fille noire qu’il fit poser tout de blanc vêtue et photographia, car telle était sa technique de peintre réaliste. Cette illustration devient dès sa parution une des plus célèbres de Rockwell.
L’histoire de ce tableau et du contexte dans lequel il fut créé nous pousse à réfléchir à la réalité de 2020 où les différences de couleur de peau posent encore problème, où l’égalité des races est encore une belle phrase qui reste trop souvent une déclaration d’intention dans la déclaration des Droits de l’Homme et de la Femme, et demeure un combat à mener presque partout dans le monde.
Je vous soumets un florilège d’images pour illustrer ce que je viens de vous raconter: la photo de 1960, le tableau de Rockwell de 1964 (« The World we live in »), Rockwell dans son atelier, Lynda Gunn adulte devant le tableau, Roby Bridges avec le président Obama devant le tableau, et une série de variantes de ce tableau qui montrent à quel point elle a marqué les mémoires et son époque, et a servi de référence à d’autres artistes. Vous y trouverez aussi une image du clip de la chanson Makeba de Jain.
Et pour finir ce lien sur une vidéo tournée au Musée Rockwell:
https://www.youtube.com/watch?time_continue=7&v=l4Trz-ijBYg&feature=emb_title
Les temps ont changé dit-on. Pas tant que ça je trouve!
Dessiner contre le racisme
07/10/2020 par Michel Kichka
Super