Je choisis de paraphraser la célèbre citation d’Henrich Heine : »Là où on brûle les livres, on finit par brûler des hommes » pour tenter d’exprimer le plus justement possible ce que je ressens au vu des statues liées au passé esclavagiste que des foules détruisent, profanent ou balancent dans le fleuve, en Amérique, en France ou ailleurs. Ces destructions sont des actes à la fois primaires et primitifs. Primaires et d’une très grande violence car ils sont ni plus ni moins des lynchages publics. Même symboliques ils restent des lynchages. Primitifs car ils s’apparentent aux destructions des statues des Bouddhas par les Talibans et à celles des trésors de l’héritage islamique par les terroristes de Daesh que le monde occidental a été le premier à critiquer. Je ne compare même pas aux autodafés et à la Nuit de Cristal perpétrés par le régime nazi d’Hitler.
Ce déploiement de violence, de fureur et de rage est aussi une tentative vaine et inutile de vouloir effacer l’Histoire ou, pire, de la réécrire comme l’ont fait et le font certains régimes. Faire face à l’histoire est le défi qui mérite d’être relevé. La connaître, la reconnaître, l’enseigner, en tirer le leçons possible et par là-même éduquer à une meilleure société,.
La mise au rebus d’Autant en emporte le vent est aussi ridicule que le procès intenté à Tintin au Congo en 2010, quatre-vingts ans après sa publication. Si on se confine dans la « logique » de ces actes et de ces procès, alors allons-y gaiment, brûlons tous les livres d’histoire du monde, et pourquoi pas les textes dits saints de toutes les religions, sources de tant de guerres, de morts, de sang d’innocents, de détresse et de persécutions. Et quand on aura tout brûlé et tout balancé dans le fleuve, on fera quoi? Ça s’arrêtera où?
Là où on détruit des statues,…
06/25/2020 par Michel Kichka
Bonjour Michel,
Excellente réflexion sur les primitifs iconoclastes qui détruisent les statues – la comparaison avec celles des Bouddhas est osée ! – Pertinente métaphore avec la phrase sur ceux qui brûlent les livres… J’adhère.
De plus j’aime beaucoup ton dessin, dans style Kichka, le dialogue est drôle : le film est un chef-d’oeuvre (moi j’aime pas trop) ! Merci de nous faire part de tes réactions sur l’actualité.
Take care, bien à toi,
Alain (Avi) ________________________________
Merci beaucoup Alain!
Excellemment dit.
Je suis professeur d’Histoire a la retraite et ces destructions me donnent la nausee.
Merci Annie!
Bonjour Michel,
J’espère que tu vas bien et je voulais te souhaiter toutes mes condoléances pour ton papa.
Je partageais ton point de vue jusqu’à récemment mais certains éléments me rendent maintenant beaucoup plus ambivalent à ce sujet:
1. Les statues érigées aux US ne sont pas des monuments historiques qui dates de la guerre civile. Ce sont majoritairement des constructions misent en place au début du 20eme siècles à une époque où le Sud voulait montrer aux descendants d’esclaves leurs positions dans la société de cette époque. Pour nous, l’équivalent historique serait si l’Allemagne (de nos jours) élisait un gouvernement d’extrême-droite qui déciderait de faire construire des statues à la mémoire de Hitler et de ses acolytes. Accepterais-tu?
2. Le récit de l’histoire enseigner dans les écoles est entre les mains de ceux qui sont au pouvoir. Pourquoi a-t-il fallut tellement d’années pour que nous parlions enfin du génocide de Leopold au Congo? Tu as raison cependant, l’idée de brûler des livres est abominable, surtout avec l’association qu’on y fait avec les nazis. Mais , d’un autre côté, quelle est la valeur d’un livre d’histoire qui omet le passé ou qui mente à son sujet? Doit-on préserver ce texte à tout prix et doit-on prendre le risque que le faux enseignement qu’il apporte soit perçu comme vérité?
3. Les gouvernements démocratiques sont des accomplissements récents dans l’histoire de l’humanité. Beaucoup des statues historique dans le monde ont été mises en place dans des époques aristocratiques ou la population n’avait pas son mot à dire. Doit-on accepter ce qui a été imposé à nos ancêtres sans conditions? Peut-être que certains des ces vestiges érigés à des époques de servitudes méritent d’être mis dans des musé plutôt qu’une place publique?
Je n’ai pas de réponses à toutes ces questions et (comme toi probablement) je suis capable de dissocier l’Art de son créateur )quel que soit le passé hideux de la personne). Ceci étend dis, je comprend un peu mieux la nécessité de réévaluer la place de certains monuments dans notre société.
Excuse-moi si mon message est bourré de fautes. L’orthographe et la grammaire ne sont pas mon forte…
Amicalement,
Yuval (fils de Léa et Charles)
Merci pour ta réaction et tes réflexions Yuval. Il y a du vrai dans ce que tu dis mais je ne suis pas entièrement d’accord avec tous les points que tu soulèves. C’est un peu compliqué de développer ça par écrit. Je dirais que l’Histoire n’arrête jamais de s’écrire, que certaines vérités mettent des années, des décennies et des siècles à être connues et reconnues, qu’elle est beaucoup trop précieuse pour être laissée aux mains des seuls politiciens, les historiens sont là pour ça, qu’un peuple doit avoir le courage d’assumer son propre passé dont il n’est pas responsable. Ceci dit, si on s’occupait un peu plus de construire le présent pour garantir un meilleur avenir, plutôt que de chercher à réécrire le passé, on pourrait dire qu’on tire les leçons du passé.
Salut Michel,
C’est vrai qu’il est difficile de développer tout ça par écrit et je t’accorde qu’il vaut mieux dédier plus d’énergie à changer le présent et le futur plutôt que de réécrire le passé.
Ceci étant dit, si le passé est écrit et raconté de façon erronée ou mensongère c’est un devoir de le corriger.
Le dernier point que je voulais mentionner est que la perception de l’histoire est vécue de façon personnelle. Les rescapés de la Shoah, leurs enfants, et leurs petits-enfants sont rattachés à cet événement. Nous y sommes encore très sensible et nous le transportons dans nos mémoires et le transmettons alors que le reste du monde essaye de l’oublier.
Cet événement était une atrocité et a été reconnu et condamné entant que tel de façon universelle malgré les tendances révisionnistes.
J’imagine que les descendants d’esclaves, les personnes qui sont parmi nous et qui ont connu la ségrégation, leurs enfants et leurs petits-enfants ont une perception de ce passé qui est similaire à notre rattachement à la Shoah.
La grosse différence est que leurs bourreaux ont été honorés avec des statues dans tout le Sud Américain une cinquantaine d’années après la fin de la guerre civile et que leurs descendants continuent à être persécutés de façon insidieuse à ce jour.
Étant donné notre propre sensibilité à l’histoire de la Shoah on peux peut-être comprendre leurs sensibilités et leurs douleurs quand ils sont obligés de vivres avec ces vestiges de leurs souffrance.
Les vestiges des nazis sont beaucoup moins représentés dans nos vies de tous les jours et pourtant je ne supporte pas la vue d’une swastika, elle me retourne l’estomac.
Peux-tu imaginer ta vie si ce drapeau était érigé sur tous les bâtiments d’état officiels où tu vie et si les généraux nazis et Hitler faisait partie des monuments devant lesquels tu devais te promener avec tes enfants et petits enfants tous les jours?
Je frémis d’y penser.
Entièrement d’accord…
Get Outlook for Android
Merci Georges!