Aujourd’hui, journée commémorative de l’assassinat d’Ilan Halimi il y a 13 ans, je n’ai rien à ajouter à l’article de Laurent Joffrin paru hier dans Libération. Si ce n’est mon modeste dessin.
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La lettre politique
de Laurent Joffrin |
Complotisme et antisémitismeL’hydre toujours renaît, insidieuse ou brutale, diffuse ou violente. D’une année sur l’autre, les actes antisémites ont progressé, selon les statistiques officielles, de 74%. Chiffre effrayant, même s’il s’agit d’une résurgence après deux années d’accalmie. On ajoute souvent, à juste titre, que des actes de même nature frappent aussi les musulmans ou les catholiques. Mais si on voulait y voir une équivalence, elle serait en trompe-l’œil. Ces agressions antisémites, verbales ou physiques, visent une minorité bien plus petite que les autres. Un sinistre ratio glace le sang : alors qu’ils forment à peine 1% de la population, les Français juifs subissent la moitié des attaques racistes recensées dans le pays. Décourageante persistance de ce mal français multiséculaire, que rien, ni la pédagogie, ni la sanction, ni la réprobation des autorités les plus diverses, ni le souvenir du génocide nazi, ne semble pouvoir réduire. Le premier réflexe est celui de la solidarité. Que nos compatriotes juifs soient insultés, harcelés, jusqu’à rendre leur vie quotidienne difficilement supportable et, dans certains cas, que cette haine ambiante aille jusqu’au meurtre, tout cela souille le drapeau de la République d’une tache de déshonneur. Cela intime aux autorités, et à toute la société, le devoir de réagir avec une ardente énergie. On a diagnostiqué, il y a une dizaine d’années, le développement d’un «nouvel antisémitisme», lié à la montée de l’intégrisme islamiste, aux préjugés qui prévalent dans certains quartiers populaires, aux dérives d’un antisionisme qui cache mal une hostilité viscérale envers les juifs. Il est toujours à l’œuvre, à coup sûr. Mais les flambées précédentes étaient souvent liées à des spasmes du conflit au Moyen-Orient. Rien de tel en 2018 : il faut craindre que la résurgence du mal ait aussi d’autres racines. La brutalisation du débat public, lié à la montée des partis extrêmes – même si leurs directions condamnent sans ambages toute agression de ce genre – compose une atmosphère propice aux débordements, alliée à cette fausse liberté de certaines régions du Net, qui n’est qu’une complaisance à l’égard des pulsions les plus délétères. Plus précisément, le succès numérique de la «fachosphère», qui draine, sans pratiquement aucun contrôle, des audiences de plus en plus larges sur la Toile, facilite les passages à l’acte, dont on a vu les incarnations morbides en marges de certains défilés de gilets jaunes. Il est renforcé par un travers de plus en plus répandu, à dessein ou inconsciemment : le tropisme complotiste d’une partie croissante de l’opinion et de certains leaders politiques ou intellectuels. Ainsi la dénonciation obsessionnelle de forces plus ou moins obscures, d’oligarchies de l’ombre, de tireurs de ficelles de la finance, de réseaux subreptices et indistincts, est l’antichambre des clichés éculés mais toujours actifs inaugurés au XIXe siècle dans la France juive de Drumont, premier bréviaire français de la haine antijuive. Entre conspirationnisme et antisémitisme, le cousinage est étroit. Ceux qui professent le premier favorisent le second. |
Excellent dessin. Merci. Danielle