Adieu Baha!
Baha Boukhari vient de s’éteindre à Ramallah à l’âge de 71 ans.
Nous nous connaissions depuis plus de 25 ans. Au fil des années notre relation professionnelle s’en transformée en une véritable amitié.
Baha, dessinateur de presse engagé, avait voué son pinceau à la paix et à la liberté d’expression. Homme de coeur et de dialogue, compagnon de route d’Arafat, porte-voix de la cause palestinienne à travers ses dessins muets teintés d’humour et d’optimisme, même dans les situations qui paraissaient désespérées.
Nous nous sommes connus avant la naissance de Cartooning for Peace, mais c’est cette association fondée en 2006 par Plantu et Kofi Annan qui nous a définitivement rapprochés. Ensemble nous avons parcouru le globe pour dialoguer et débattre dans des colloques où nous montrions l’autre visage du conflit israélo-palestinien, celui de l’ouverture, de l’écoute, du respect mututel, du sourire, même grinçant, de la foi en l’avenir, de la solidarité, de l’amitié. A New York, Paris, Jérusalem, Tel Aviv, Bethléhem, Tokyo, Hirosaki, Bruxelles, Cannes, Carquefou, Caen, Marseille, Istanbul, …Je ne serais pas surpris si en reliant entre eux les points du globe où nous nous sommes rencontrés, nous obtenions une colombe!
Partout où nous nous rendions dans le monde, sa femme Sahar l’accompagnait et il me parlait de leurs sept filles dont il était si fier. Toujours il emportait dans sa valise des boîtes de Vache qui rit. Lors des repas où étaient servis poissons, crustacés ou sushis, il mangeait ses petits fromages triangulaires car il était allergique à tout ce qui sortait de la mer.
Baha avait un franc-parler, qu’il s’agisse d’Israel, du Hamas, du Fatah, du Monde Arabe ou de l’Occident. Il condamnait fermement les actes de terrorisme perpétrés contre Israel de même qu’il condamnait sans répit l’occupation. Lors de son exposé au Jerusalem Cartoon Conference en 2005 il projeta des dessins montrant le mur de séparation vu du côté palestinien. Un des dessins montrait un check-point dont la porte tournante avait la forme d’une croix gammée. Deux-cents paires d’yeux israéliens ont accusé le choc dans un silence dense et en fin d’exposé deux-cents paires de mains ont applaudi pendant de longues minutes. Aucune des personnes présentes dans la salle, dont vingt-cinq des plus grands dessinateurs du monde, n’oubliera ce moment fort.
Notre laïcité nous a beaucoup rapproché et nous a permis de de ne jamais regarder le conflit sous un angle religieux, angle qui ne propose pour l’instant ni solution ni espoir.
Je suis certain qu’au moment de fermer les yeux il a dû ressentir une profonde tristesse: celle de partir sans avoir eu la chance de voir la paix pour laquelle il a tant oeuvré.
Baha, un fantassin de la démocratie qui a cessé de marcher mais continuera de vivre dans mon coeur.
https://www.facebook.com/bahabukhari
New York, 2006
Baha, Ali Dilem et Shai Charka, Musée de la Caricature, Holon 2008
Avec Willis from Tunis et Radu Mihaileanu au Festival de Cannes 2014 pour la première historique de Caricaturistes, fantassins de la Démocratie.
Jérusalem Porte de Damas, 2013
Consulat Général de France, Jérusalem 2015
Dans son atelier à Ramallah, 2013
Funérailles de Baha, Ramallah aujourd’hui le 30 Octobre 2015. Photo prise par Khalil Abu Arafeh
Merci!
Aviva Sharon