J’ai connu Guy quand il était à Beit Hanina, près de Jérusalem. Il y a passé une année avec sa femme qui travaillait pour Médecin Sans Frontières, et leurs deux enfants. A ses heures libres, armé d’un carnet de croquis, il est parti à la découverte de la réalité, de la même manière qu’il l’avait fait à Pyongyang, en Birmanie et ailleurs, afin de récolter la matière première de son futur un roman graphique. Mais surtout pour essayer de comprendre où il était et à quoi ressemble le quotidien d’une région dont tout le monde entend parler aux infos mais que peu connaissent. Le résultat est un journal de bord personnel, raconté mois par mois, et qui s’étoffe et gagne en profondeur au fur et à mesure de la lecture. Vivant à Jérusalem depuis 38 ans j’étais curieux de découvrir le point de vue de Guy. La surprise est grande! Un pavé de 330 pages à l’esthétique sobre et riche à la fois, au dessin faussement naïf additionné d’une bichromie variable d’une grande beauté. Tout l’art de Guy est ici à son paroxysme. Le regard qu’il pose sur ce qu’il rencontre est un regard de questionnememt, jamais de jugement. Prouesse ô combien délicate face à une réalité si complexe où chacun prend position avec passion. De plus en plus de BD tentent d’aborder le conflit israélo-palestinien. Toutes partent d’un à priori politique affirmée ou non. Le livre de Guy est d’une authenticité frappante et d’une honnêteté remarquable. C’est un journal raconté sous forme de thriller soft qui ressemble à s’y tromper à une tragi-comédie. C’est le rapport journalistique du théâtre de l’absurde qu’est parfois la réalité des israéliens et des palestiniens. Je félicite Guy pour ce « petit » chef-d’oeuvre hautement récompensé à juste titre par le jury d’Angoulême. J’espère que le public suivra et qu’une version en hébreu pourra voir le jour prochainement.
Je viens de l’acheter à Chinon-sur-Vienne-et-sous-la-Neige. Parce que le sujet. Et parce que le graphisme. Que j’ai trouvé remarquable. Je commencerai peut-être à le lire ce-soir. Au chaud, dans mon lit. Car dehors, il fait trop froid. Bye.