Le 27 Janvier, journée mondiale de la Commémoration de la libération d’Auschwitz, plutôt que de dessiner, j’ai décidé sur les conseils de mon épouse Olivia d’écrire une lettre à mon père qui nous a quitté emporté par le Covid en Avril 2020. J’ai mis quelque temps à la rédiger, à choisir et à peser mes mots. La voici.
Mon cher papa,
Ce 27 Janvier 2024 a marqué les 79 ans de la libération d’Auschwitz, l’antichambre de la mort par laquelle tu es passé et où reposent les cendres de ta famille. Le Covid 19 t’a emporté en Avril 2020 mais tu es resté parmi nous. Ton infatigable travail de mémoire de la Shoah t’a en quelque sorte immortalisé. On évoque souvent en souriant ton souvenir et tes jeux de mots.
J’essaye d’imaginer ce que tu aurais dit et comment tu aurais réagi après le massacre barbare du 7 Octobre 2023 perpétré par le Hamas où plus de 1400 israéliens ont été assassinés dans un déchaînement de violence sans nom, fruit d’un endoctrinement de la haine du juif, véhiculée par une idéologie islamiste maladive qui gangrène les esprits, les manuels scolaires et les réseaux sociaux. Toi qui a connu le pire, qui a été réduit à un numéro de matricule qu’on voulait supprimer, tu ne nous a pas élevé dans la haine, ni dans un esprit de vengeance.
Ce 7 Octobre je me suis dit “Heureusement que papa n’est plus là pour voir ça!”. Les démons du passé t’auraient rattrapé. Le “Plus jamais ça” qui a été ta raison d’être aurait volé en éclats. Savoir que des centaines d’otages avaient été emmenés à Gaza où ils sont toujours retenus dans des conditions inhumaines depuis 119 jours t’aurait démoralisé. La re-montée vertigineuse de l’antisémitisme dans le monde t’aurait effondré. Tu avais conscience que ce mal n’avait pas disparu, mais pas à ce point. Apprendre qu’Israel était accusée de génocide, de Shoah, à la Cour de Justice Internationale de La Haye par l’Afrique du Sud t’aurait révolté.
Tu aurais été écoeuré par les massacres du 7 Octobre. Tu aurais condamné ces actes de toutes tes forces tant devant les scolaires que dans les médias. Tu aurais fermement soutenu le droit d’Israel à se défendre. Mais tu aurais aussi dit que toute comparaison avec la Shoah était une hérésie. Pendant la Shoah les juifs n’avaient ni armes ni armée, ils étaient enfermés dans des ghettos abandonnés du reste du monde, ils n’avaient pas de tunnels sous-terrains où se cacher, ils étaient réduits à l’esclavage dans des camps de travaux forcés où ils étaient acheminés en masse dans des wagons à bétail, ils mouraient d’épuisement et de désespoir, ils étaient exterminés à la chaîne dans des chambres à gaz et de là dans des fours crématoires, ils étaient assassinés par balles devant des fosses communes qu’on leur avait fait creuser, ils étaient torturés, pendus, exécutés pendant qu’on tuait leurs enfants et qu’on violait leur femmes avant de les achever. Tu aurais dit que ceux qui comparent les massacres du Hamas à la Shoah n’ont rien appris de l’Histoire, qu’aveuglés par leur haine antisémite viscérale ils la réduisent à une horreur parmi d’autres, à un détail de l’Histoire.
On se serait parlé chaque jour au téléphone. J’aurais tout fait pour te rassurer afin que tu ne sombres pas dans le trou noir de tes souffrances passées. Pour te remonter le moral je t’aurais dit la vérité. Celle que tu as édifiée en exemple au cours des 75 années qui ont suivi ta libération de Buchnewald le 11 Avril 1945, vérité qui est ta leçon magistrale et qui nous sert à tous de modèle. Qu’il est possible non seulement de survivre au pire mais aussi de vivre et donner la vie après avoir vécu l’enfer. Qu’il ne faut jamais perdre espoir, espoir en l’homme, en la vie, en l’avenir. Tu as fait de ta vie un combat. Comme mon beau-père Jo Alfandari qui s’est engagé volontaire dans le régiment grec de l’armée britannique pour combattre les nazis. Vous avez été un modèle exceptionnel pour nous tous. Vous nous avez donné une leçon d’humanité, de dignité, de justice, de combat, de liberté.
Sache que tes enfants, beaux-enfants, petits-enfants et arrière petits-enfants continuent votre combat.
Ton fils Michel
2 Février 2024
Page d’accueil
English
Hébreu - הבלוג בעברית

Quel beau message, honneur à votre père et beau père. Garder la foi en l’homme celle qui nous aidera à poursuivre notre chemin pour une himanité empreinte de compassion et de respect de l’autre.
Merci à vous
Magnifique hommage et tellement vrai pour votre papa que j’ai eu l’occasion de voir et d’écouter lors de ma visite à Auschwitz à Pâques 2013.
De tout coeur toujours avec vous!
Martine Van Bever
En te remerciant pour cette si jolie lettre et pour nous donner encore un peu espoir. Am Israël chai
Michel
Ta lettre a ton père est une œuvre d’art, un monument .
🙏🏻🇮🇱🙏🏻🇮🇱🙏🏻🇮🇱🙏🏻🇮🇱
Cher Michel,
Ta lettre est touchante parce que tu lui racontes, et nous racontes ton ressentis, tout nu.
Ce qu’il adviendra ensuite, explications, causes, remèdes, ce sera plus tard.
En attendant, comme je l’ai ressenti la semaine dernière en Israel, lors de d’un volontariat civil, on se sert les coudes pour accuser le coup et parer au plus pressé.
Bon courage, toute mon affection à vous tous.
Charly
Trés beau têmoignage plein de sensibilité qui m’a fait penser à votre père que vous m’aviez présenté à Virton au festival il y a qqs années.. J’en avais gardé un beau souvenir. … Cordialement André Botella